Histoire

Depuis la fin de la dernière période glaciaire, Cléry, nichée dans les vallées savoyardes, a connu une riche histoire marquée par des transformations naturelles et humaines. D’abord façonnée par les glaciers, la région a ensuite attiré les premières implantations humaines qui ont évolué avec les siècles. Des traces archéologiques aux développements récents, la commune a su préserver son patrimoine tout en s’adaptant aux époques. Découvrez le parcours de Cléry, des origines géologiques à son héritage culturel unique.

Les origines

Sans remonter trop loin dans la préhistoire, on ne peut omettre un épisode décisif qui a modelé les Alpes telles que nous les connaissons actuellement … la dernière grande glaciation !
La grande glaciation de Würm, dernière d’une longue série, s’est étalée de – 70 000 ans à – 10 000 ans environ.
Les glaciers alpins s’étendaient alors jusqu’à la vallée du Rhône en empruntant les lits des rivières que nous connaissons.
Le lent mais puissant rabotage des langues glaciaires qui montaient dans la Combe de Savoie jusqu’à environ 1200 m d’altitude, ont créé les larges vallées en U dont nous profitons de nos jours.
Les dépôts morainiques laissés par les glaciers forment souvent les bases des sols sur lesquels nous vivons.
Avec les verrous rocheux sous-jacents, ils définissent la structure géographique de la commune de Cléry .
Crédit image : www.glaciers-climat.com

Les premiers hommes

Difficile de dire à quand remonte le premier peuplement de Cléry.
Quelques points de repère au niveau européen, où les premières traces du genre Homo remontent à environ 1,5 millions d’années tout de même !
L’Homo Sapiens, notre ancêtre, apparaît en Europe vers – 40 000 ans avant notre ère (Premiers indices africains : – 120 000 ans).
On se doute qu’il a fallu attendre la fin de la dernière glaciation pour que le peuplement de nos massifs puisse reprendre.
Dès le néolithique c’est-à-dire l’âge de pierre, qui clôt l’épisode de la préhistoire en s’étendant d’environ – 9 000 ans à – 5 000 ans en Europe, l’occupation des vallées des Alpes est probable.

Crédit photo : www.grottechauvet2ardeche.com
Photo par Patrick Aventurier

Les Allobroges

Le site de Cléry au flanc des Bauges suggère une implantation Allobroge durant la majeure partie du demi-millénaire avant J.C. (2 500 ans avant notre ère)
Peuple gaulois, les Allobroges étaient des Celtes et parlaient originellement la langue celte dont le patois a gardé quelques mots. C’était un peuple de fiers et rudes guerriers, regroupant de nombreuses tribus, qui devinrent sédentaires et s’adonnèrent à l’agriculture. Le nom Allobroge viendrait des racines allo (autre) et brog (pays), soit le peuple venu d’autres pays. Courageux combattants, ces peuples celtes se seraient installés dans les Alpes du Nord au début du IIIe siècle av. J.-C.. Les Grecs les appelleront « Allobroges ».
Divers témoignages décrivent les Allobroges comme un des peuples parmi les plus riches et les plus puissants de la Gaule, avec une population nombreuse. Ils labouraient avec une charrue grossière et cultivaient un froment réputé, mais aussi le seigle et la vigne. Ils pratiquaient l’élevage et fabriquaient du fromage, exploitaient leurs vastes forêts, et extrayaient des minerais. Ils contrôlaient une partie de la vallée du Rhône (Viennois) et se trouvaient au débouché de toutes les voies qui traversaient les Alpes, dont des voies internationales, sur lesquelles ils pratiquaient le péage.
Crédit image : www.faidp.com

Les Romains

Les Allobroges furent longtemps des rebelles à l’autorité romaine et la conquête du territoire des Allobroges par les Romains se fit en plusieurs étapes entre -122 et -60 avant J.C.
La romanisation qui s’opère alors, engendre progressivement des transformations.
Les Romains avaient en effet l’habitude d’anéantir méthodiquement tout ce qu’ils jugeaient barbare, c’est-à-dire étranger à la civilisation gréco-romaine.
Cléry, qui se situe non loin de la voie majeure entre Gaule et l’Italie passant alors par le col du Petit Saint Bernard, a probablement vu s’établir un grand domaine (villa) vers le premier siècle après J.C.
La preuve de cette création pourrait être fournie par les toponymes en villard (Le Villard, Villard-Mavin) considérés comme consécutifs à l’éclatement ultérieur de la villa.
Le nom de Cléry est lui-même réputé d’origine gallo-romaine (Clarius : le nom du domaine). Par ailleurs, les colonnes du portail de l’église romane semblent provenir d’une récupération dans un édifice antérieur, peut-être la maison du maître de la villa.
Par Pedro38 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0 – via Wikipédia

La période chrétienne

La christianisation n’est intervenue que lentement dans l’espace savoyard, car les Gaulois avaient appris à dissimuler la persistance de leurs usages religieux et autres sous un vernis romain.
Elle ne s’impose franchement qu’au Vème siècle, après la mise en place des diocèses (saint Jacques a fondé celui de Tarentaise en 420) et elle se trouve encouragée par l’installation des Burgondes car ceux-ci abandonnent l’arianisme pour le catholicisme dans le premier tiers du VIème siècle.
Puis, après avoir refoulé les Lombards à l’ouest des Alpes, le roi mérovingien de Burgundie, Gontran, petit-fils de Clovis, fait créer l’évèché de Maurienne vers 579.
A Cléry, en l’absence de documents connus et de fouilles, on ne peut qu’émettre des suppositions. De nombreux indices laissent à penser qu’une première église fut érigée en remplacement d’un oratoire, ceci à la fin du VIème siècle après la réception d’une partie des reliques de Saint Jean Baptiste en provenance de Saint Jean de Maurienne.
Selon la tradition en effet, une partie de la main de Saint Jean Baptiste aurait alors été rapportée d’Orient par Sainte Thècle et une parcelle séparée au bénéfice de l’église de Cléry : un reliquaire volé en 2004 en portait mention.
Les Carolingiens ont manifesté un vif intérêt pour les voies alpines et leur sollicitude à l’égard de l’Eglise s’est traduite par la relance de la vie chrétienne et par la restauration des édifices religieux.
Pour Cléry on ne peut qu’évoquer l’éventualité d’une mise en valeur de la paroisse après l’érection de la Tarentaise en archevêché par Charlemagne en 794.
On a la certitude que les envahisseurs sarrasins et hongrois n’ont jamais poussé jusqu’ici après 888.
La situation évolue seulement après l’entrée de la Savoie dans le Saint Empire en 1032 et l’instauration d’un comté héréditaire de Savoie dans lequel Cléry se trouve englobée. Les empereurs (mi Xème-mi XIème) donnent une forte impulsion à la réforme de l’Eglise et les comtes de Savoie prennent le relais en intervenant directement dans la fondation de monastères. En même temps s’opère une mise en sécurité du pays : bien encadrés par le Prince, les seigneurs assurent la paix locale.

L'aménagement du territoire

A ce moment-là les grands défrichements sont lancés.
Beaucoup plus vaste que la commune actuelle, la paroisse de Cléry s’étage alors des abords capricieux de l’lsère (à la hauteur de Frontenex à 316m d’altitude) jusqu’au Chéran en Bauges.
Des prés inondables et des basses pentes vouées aux cultures jusqu’aux forêts et alpages, l’espace est largement exploité et l’espace habité de façon permanente se situe dans la tranche allant de 360 m, à l’abri des inondations, jusqu’à plus de 700m.
Cléry connait une période de plein essor comme cela se traduit encore dans la toponymie. La Plantaz, dans une zone protégée en dessous de l’église et au-dessus des froids brouillards hivernaux, évoque une plantation de vigne.
A la cote 700, côté sud, le Chatelard paraît correspondre à une motte féodale à la fois par la topographie et par les toponymes du Xlème siècle : Les esserts qui désignent les défrichements, les Lanches (zone de terrain glissant) de la dame qui évoquent peut-être la dernière héritière.
A la même altitude se situe le hameau de Clermont, nom fréquemment donné aux nouveaux villages des XIème-Xllème siècles.
Les nombreux nants (ruisseaux) sur fortes pentes autorisaient aussi le fonctionnement constant de moulins et de reysses (scieries hydrauliques).
La famine disparaît et la population s’accroît.

La réorganisation diocésaine

L’essor démographique s’accélère brusquement après 1040, nécessitant la construction d’une église capable d’accueillir des fidèles plus nombreux.
Cléry doit sans doute beaucoup à l’archevêque Pierre Ier de Tarentaise.
Dans les années 1130 le prélat amorce la réforme et entreprend la réorganisation de son diocèse dans un souci de vie spirituelle. Il pousse à l’installation de moines cisterciens, essentiellement tournés vers la prière, dans une nouvelle abbaye au-dessus du col de Tamié.
C’est probablement lui aussi qui confie aux chanoines réguliers de saint Augustin, tournés avant tout vers l’action éducative auprès des laïcs, la tâche d’établir des prieurés.
La création du prieuré Saint-Jean Baptiste de Cléry a donc dû se situer à cette époque et le premier prieur pourrait être Utbold de Cléry, personnage suffisamment important pour être cité comme témoin dans la charte de création de l’abbaye de Tamié en 1132.

LES MUTATIONS DU XIIIème SIÈCLE ET LEURS PROLONGEMENTS

Le départ des chanoines


De grands changements interviennent dans la seconde moitié du XIIIème siècle. Vers 1263 l’archevêque décide le transfert des chanoines à Moûtiers, chef-lieu de son diocèse, pour les remplacer probablement par un ou deux de ses chapelains.
Habituel en pareil cas, le prétexte invoqué est celui de la baisse de qualité des chanoines, mais les vraies raisons sont ailleurs à n’en pas douter.
Les prieurés des chanoines disposaient en effet de ressources insuffisantes par rapport à leurs missions. Surtout l’archevêque manifeste une politique plus autoritaire.
Le secteur de l’actuelle Albertville représentait une zone de friction entre archevêque et comte de Savoie, notamment le secteur de Cléry où tous deux tenaient des droits. Se considérant comme menacé par la progression comtale et désireux d’asseoir son autorité temporelle, le prélat fait bâtir en basse Tarentaise le château de la Bâthie autour duquel il réorganise une châtellenie.
Il rattache Cléry à cette nouvelle châtellenie archiépiscopale pour les hommes et les biens dépendant de lui.

La fortification archiépiscopale


C’est également le temps de la création d’une enceinte fortifiée, en bonne partie en pierre, et aussi de la construction d’une maison forte face à l’église, même si la première mention écrite connue dans les comptes des trésoriers généraux ne date que de 1334.
Ces travaux obéissaient à une double nécessité : toujours affirmer une présence à l’extrémité occidentale du diocèse mais aussi contribuer à faire face à une éventuelle menace ennemie. En 1234 le comte de Genève avait en effet déclenché contre la Savoie un conflit qui allait être séculaire. Puis la tension, créée vers 1268 par la succession du Faucigny entre Savoie et Dauphine, déboucha en 1282 sur la guerre de Septante ans entre les deux principautés et sur une alliance officielle entre comte de Genève et dauphin de Viennois.
L’apogée pour clery, la dernière phase notable du Moyen Age, est une phase d’embellissements qui semblent devoir être attribués à l’archevêque Edouard de Savoie (1385-1395).

DÉSASTRES ET RESTAURATIONS

La ruine

Le déclin qui suit durant un large XVIème siècle tient d’abord à la défaillance des archevêques depuis le milieu du XVème siècle et le prieuré se trouve désormais réduit à une simple église paroissiale. Puis les ravages français dûs au « bon roi » Henri IV lors de l’invasion de la Savoie en 1600 provoquent des destructions considérables L’appauvrissement du pays est alors dramatique, ce qui explique la lenteur du redressement.

Les mesures d’urgence

La restauration va s’échelonner sur la période XVIIème-1ère moitié du XVIIIème.

Pillage et saccages

Tout se trouve remis en question par les saccages des troupes révolutionnaires françaises qui entrent en Savoie en septembre 1792. On ignore si le Premier Empire a apporté des mesures d’amélioration, du moins la frénésie antichrétienne était-elle retombée.

Une considérable restauration

Avec le retour de l’autorité de la Maison de Savoie en 1815, s’ouvre une phase importante de restauration avec un vif essor démographique.
Après le plébiscite de 1860 par lequel la Savoie devient française, le complément est apporté par le Second Empire avec toute une phase d’embellissement.

LES CONTRASTES DU XXème SIECLE

Pour la commune comme pour l’église le XXème siècle se révèle le temps des grands contrastes. Cléry connaît le déclin démographique commun à beaucoup de petites communes rurales.
Il faut attendre les dernières années du siècle pour voir s’inverser radicalement le mouvement. La tendance est maintenant à la rénovation de maisons anciennes et surtout à la construction de maisons nouvelles.

Une démographie rurale typique

Le pays s’est surtout peuplé dans la période allant approximativement de 1040 à 1340, celle de l’aménagement intégral des terroirs, atteignant 500 âmes d’après le premier compte de subside ou imposition de 1331.
Puis vient le temps des grandes épidémies de peste. Celle de 1348 est réputée avoir fait baisser les chiffres de population au moins d’un tiers, si ce n’est de la moitié.
Un retour de peste se produit en 1361, un peu atténué. puis encore dans les années 1371-1375.
La progression démographique reprend au cours du XVème siècle et, malgré les à-coups ultérieurs du XVIIème siècle dûs à l’impact des invasions et à des maladies épidémiques.
L’optimum démographique est atteint vers 1840, dans l’ultime période relevant de la Maison de Savoie. Lors de la visite pastorale de Mgr Billiet en mai 1852, on dénombre 1069 habitants.
Un recul effrayant s’est produit de la fin du XIXème siècle jusque vers 1990 qui tient à de multiples raisons.
D’abord les travaux de régularisation du cours de l’Isère. Entrepris par les intendants de la Maison de Savoie pour neutraliser les inondations et permettre la mise en culture du fond de vallée, ont eu pour conséquence le glissement de la population des flancs de montagne vers le bas.
En 1865, atteignant à lui seul 400 habitants, le village de Frontenex obtint son érection en paroisse. d’où une rude amputation pour Cléry.
Puis, la terrible saignée de la guerre de 1914-1918 (27 noms sont inscrits sur le monument aux morts), l’exode vers les usines, les administrations ou les entreprises nationalisées ont fait tomber le nombre d’habitants à moins de 200.
Beaucoup de granges et de maisons ont été définitivement abandonnées. la forêt, aussi bien la forêt communale que celle appartenant à des particuliers, négligée, les alpages presque désertés.
Favorisée par une politique municipale volontariste et surtout par le récent exode urbain, la tendance démographique s’est radicalement inversée depuis les dernières années du XXème siècle.
Cléry est sur la voie de retrouver assez vite son chiffre de 1331, les maisons neuves respectant le traditionnel groupement en villages et les espaces naturels et agricoles.

Haut de la page

Sommaire :